UN POÈME D'ANDRÉ LAUDE À GÉRALD BLONCOURT

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UN POÈME D'ANDRÉ LAUDE À GÉRALD BLONCOURT
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UN POÈME D'ANDRÉ LAUDE à Gérald Bloncourt

 

Poème

d'André LAUDE

(qui fut un ami d'André Breton)
un vent de soleil se lève

 

à GERALD BLONCOURT

 

Un homme
dans la violence du temps
dans la violence de la mémoire
épine au flanc d'un Christ vaudou


Un homme
de terre et d'eau
de grandes feuilles vertes
et d'oiseaux

plus vastes que toutes
les mers réunies
et la cuite de Baron Bravo.

Un homme qui fait langue
Au pays des Loas
et des longues nuits de tyrans

Un homme jeune coq
de foudre et de roc
frère de ma terre d'Oc

fouilleur de chaque semeur de merde
et de feu
La vie vaut bien qu'on la perde
un soir de pleine lune
de tout bois
au coin d'un bois
alors qu'on traîne la savate
en compagnie
d'un certain André Breton
Sans domicile fixe
et sans vraie profession
sinon celle d'orpailleur
au bord du fleuve
cher à ce vieil Héraclite

Un homme qu'Eros prend au piège
de ses filets bleus
Un homme qui
à l'image du Petit Poucet
sème ses yeux
de braise et de crucifix
le long du chemin
des sans-chemise

Un homme qui torse nu
dans la forge du verbe
chante au milieu des étincelles
comme chante la sentinelle
au rempart des Barbares
pour croire à sa part de ciel

Un homme fou de femmes
fou d'alcools
de peintures pures
Un homme armé
jusqu'aux dents de colère
parce qu'il y a du crime
dans l'air
Un homme peau noire
peau rouge un homme
qui danse avec les lucioles
les fusils des rebelles,
les astres et les poissons
et le pollen

Un homme qui hurle "je hais"
parce qu'il aime
plus que tout
la grande marée noire,
la jeune mariée, l'abeille
le sang dans les veines
de la grande forêt

Un homme très beau
qui vieillit bien
comme le vin et l'espoir
Un homme en guerre
-Guerre de dix mille ans -
Parce que vivre à genoux
n'est pas vivre,
parce que dans son corps à moitié
est tuer l'autre dans le désir

le délire des sens

Un homme en partance
par-delà les "mornes"

Vers le grand large
où gerbent la lune et la baleine

Un homme de ruines
et d'opiniâtres renaissances
aux ongles de glaise
au front creusé
par la fièvre corsaire

Un homme immense
de la rose qui s'acharne
à fleurir parmi nous les morts
mal enterrés
aux quatre coins du pays

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André LAUDE

Paris le 16 Février 1991

 

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