BLONCOURT : CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
REMISE DE LA MÉDAILLE DE CHEVALIER DE LA LÉGION D’HONNEUR à Gérald BLONCOURT
à la suite de nombreuses photographies de : Georges Darmon, Sandra Kraljevic, Apollon Benjami Colas, Alain Roy
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Madame la Ministre des Outre-Mer,
Georges Pau-Langevin
Monsieur « Mon » Député , Patrick Bloche
Madame Fleur Pellerin, Ministre de la culture et de la Communication
Mesdames et Messieurs les élus de la République
Mesdames et Messieurs
Chers amis,
Chers camarades,
C’est avec émotion que je reçois cette décoration, considérant qu’à travers ma personne elle est aussi attribuée à toutes celles et ceux qui ont contribué à me former et à m’aider au cours de ma vie.
Je la reçois en premier lieu, avec mon frère Tony Bloncourt , fusillé par les nazis au Mont-valérien, le 9 Mars 1942 qui, dans sa dernière lettre, écrite quelques heures avant son exécution, me demandait d’être toujours un honnête homme.
J’espère avoir suivi son conseil, C’est donc avec lui, dont le souvenir ne m’a jamais quitté, que j’accepte en premier lieu, cette distinction.
Je la partage aussi avec ceux qui m’entourent affectueusement, au sein de ma famille : Isabelle, Sandra, Ludmilla, Morgane, Martine, Jean François, Jeff , mes petites filles et fils, dont Sanina et Lauren, Ophélie et Dorval, et mes arrières petits enfants, mes parents en Haiti, à New-York et à Montréal.
Avec mes amis, dont certains sont ici présents,
Avec tous ceux de mon pays en lutte pour une Haiti meilleure,
Avec tous ceux qui ont du fuir leur région, et vivent aujourd’hui, en exil,
Avec les dockers et les mineurs, dont j’ai suivi les grèves et les luttes,
Avec les immigrés portugais avec qui j’ai traversé les Pyrénées,
Avec les milliers de manifestants dont j’ai si souvent immortalisés les cris entre Bastille et Nation,
Avec les ouvriers de Renault-Billancourt qui inscrivaient à la peinture blanche sur le sol de leur usine : « Assez de brimades, de la dignité » !
Avec tous ces travailleurs et travailleuses qui ont été la source de mon combat, de mon travail, de mes créations.
C’est avec eux que je me sens digne d’assumer cet honneur qui m’échoit aujourd’hui.
Dans cette enceinte du Ministère des Outre Mer, c’est également, à travers moi, un hommage de la République, rendu à toute une lignée d’Antillais, qui m’ont précédés, dont je me sens toujours proche :
Melvil Bloncourt, mon grand oncle député de la Guadeloupe et responsable à la Commune de Paris, condamné à mort par Thiers.
Max Bloncourt, mon oncle, militant de la cause des noirs et engagé dans les luttes pour les Droits de l’Homme.
Elie Bloncourt, mon oncle, aveugle de guerre, élu trois fois, député Socialiste, et dirigeant du réseau de Résistance Brutus du Parti Socialiste dans le Nord de la France durant la dernière guerre Mondiale
Mon père, Yves Bloncourt, combattant de la grande guerre 1914/1918, qui fut Directeur Général des Sports en Haïti
Mon frère Claude, comme moi, né en Haïti. Qui fut chirurgien, Chef de Clinique des Hôpitaux de Paris et fondateur de la Clinique du Bois de Verrière à Antony et aussi l’un des pères du SAMU.
Et ma chère Tante YO, qui avait quitté la Guadeloupe pour veiller sur ses frères puis sur ses neveux avec toute la mansuétude et la douceur d’une véritable Mamie Créole.
Tous nés aux Antilles et qui ont porté avec constance les Idéaux de LIBERTÉ, d’ÉGALITÉ et de FRATERNITÉ.
Voilà, en quelques mots celles et ceux que j’associe à la cérémonie d’aujourd’hui.
A l’annonce de cette distinction, quelques amis ont ironisé le fait que j’accepte de recevoir cette médaille, considérant que j’avais toujours été un rebelle, toujours en marge des actes officiels. Certains m’ont cité en exemple quelques refus célèbres de personnalités auxquelles je n’oserais pas un instant me comparer. J’ai considéré, que venant d’un petit pays tellement meurtri et balloté à travers des péripéties douloureuses, mais aussi historiquement glorieuses, ayant passé ma vie à lutter pour ces fameux « lendemains qui chantent » évoqué par Gabriel Péri, devant le peloton d’exécution nazi, n’ayant jamais lâché prise pour poursuivre l’ex dictateur déchu Duvalier et les sbires qui lui ont succédés, ayant sans trêve, avec mon appareil photographique, mon stylo, mes pinceaux, tenu ma place aux créneaux des luttes pour une société fidèle aux Lumières, je pouvais sans rougir accepter ce titre de Chevalier de la légion d’Honneur.
Je le considère comme une distinction importante, surtout parce qu’elle est décernée à celles et ceux que je viens d’évoquer. Dans cette période violente et cruelle que nous traversons, je veux voir à travers cet hommage qui m’est adressé, la reconnaissance de ma fidélité à nos valeurs universelles et à mon combat pour leur défense. J’accepte donc humblement d’être décoré par vous, Madame la Ministre des Outre Mer.
Je profite de cette remise de médaille pour remercier Madame Fleur Pellerin, Ministre de la culture et de la Communication qui a nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur, l’Haïtien Gérald Bloncourt, artiste, peintre, photographe et poète
Et c’est avec une certaine émotion, Madame Georges Pau Langevin, que je vous rappelle ici, que j’ai eu le plaisir de vous rencontrer, au tout début de vos années militantes, dans les milieux étudiants antillais. C’était l’époque où nous luttions déjà aux côtés de notre ami le guadeloupéen Henri Bangou qui fut à 7 reprises maire de Pointe-à-Pitre, de 1965 à 2008, et Sénateur de la République.
Nous étions aussi aux côtés du martiniquais, maitre Marcel Manville, le célèbre avocat, qui fut une figure des Antilles connue internationalement et l’un des amis les plus proches de Frantz Fanon.
Nos engagements ne datent pas d’hier, Madame la Ministre des Outre-Mer, et c’est pour moi un honneur, d’avoir reçu de vos mains, cette décoration.
Et bien sûr, un immense plaisir, je dirais même, une fierté.
Je vous en remercie.
Je remercie également le personnel du Ministère qui nous accueille aujourd’hui.
Et à vous tous, ici présents, Kenbe fèm ! Pa lagé !
Gérald Bloncourt
Paris le 23 Mars 2015
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LES PHOTOS CI DESSOUS SONT DE :
©Georges DARMON
©Sandre KRALJEVIC
©Apollon BEJAMIN COLAS
©Alain ROY